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Titel
La ville charitable. Les œuvres sociales catholiques en France et en Allemagne au XIX° siècle


Autor(en)
Maurer, Catherine
Reihe
Histoire religieuse de la France
Erschienen
Paris 2012: Éditions du CERF
Anzahl Seiten
411 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Bruno Dumons, Lyon

Connue pour ses travaux sur le «modèle allemand de la charité», Catherine Maurer est l’une des meilleurs spécialistes de l’histoire de la protection sociale au XIX° siècle. Son dernier livre s’attache ici à croiser l’histoire religieuse et l’histoire urbaine, autrefois peu complices, sur le terrain des œuvres confessionnelles qui ont essaimé dans la plupart des grandes villes européennes, répondant ainsi aux besoins des populations urbaines de plus en plus nombreuses après 1850. Catherine Maurer tente alors un pari qui est celui de prendre la mesure de la «charité catholique» des deux côtés du Rhin. Pour cela, elle a recours à une méthode d’analyse globale qui s’appuie sur des manuels et des annuaires charitables, publiés pour l’essentiel après 1890. Ils concernent une vingtaine de villes allemandes et françaises.

Une première approche a consisté à examiner attentivement la généalogie de ces enquêtes et de ces enquêteurs qui relèvent d’une pratique largement en usage au XIX° siècle pour comprendre le fonctionnement des sociétés, préfigurant une méthode de la sociologie moderne. Ici, l’Office Central des Institutions Charitables, fondé à Paris par Léon Lefébure en 1889, joue un rôle important de coordination et de diffusion du modèle français en Allemagne. Une chronologie de la création des œuvres est ainsi proposée: la France présente des moments intenses de fondations au cours des décennies 1830, 1850, 1870 et 1880 tandis que l’Allemagne se dote d’un tissu d’œuvres seulement après 1850 dont le pic se situe entre 1886 et 1892.

Un deuxième volet s’attarde sur les caractéristiques de la naissance d’une œuvre. Ici, le rôle des fondateurs est essentiel qu’il s’agisse de religieux ou de laïcs. Les femmes ne sont pas les moins nombreuses.

En France, la part des congrégations domine, ce que Claude Langlois a pu appeler le «catholicisme au féminin». Le rôle des réseaux est également important, à l’image de celui de la Société de Saint-Vincent de Paul qui s’est étendu dans les deux pays. Le facteur de l’émulation confessionnelle conduit également à un dynamisme de fondations, particulièrement dans les villes allemandes et dans celle de Strasbourg.

Une troisième interrogation permet de répondre à la question: que font les œuvres? Trois principaux champs d’intervention se dégagent: l’aide à l’enfance, l’aide à la jeunesse et le soin aux malades. En effet, les crèches et les salles d’asile sont nombreuses à être créés dans les villes allemandes et françaises ainsi que les orphelinats. Une attention particulière est portée aux jeunes filles afin de les protéger des tentations «corruptrices» de la ville, surtout lorsqu’il s’agit de migrantes. La dimension sanitaire est particulièrement innovante en faveur des personnes exclues par leur maladie incurable (cancer) ou leur handicap (aveugles). Une spécificité serait même celle du soin à domicile avec le travail de garde-malade, présente dans chacun des annuaires charitables étudiés ici.

Le quatrième point souligne la collaboration étroite que ces œuvres entretiennent avec les politiques municipales d’assistance. Si une concurrence existe entre les deux systèmes, des collaborations nombreuses demeurent dans l’ensemble des villes considérées. Cette coopération est souvent source de modernisation dans les institutions comme dans les pratiques. À l’image du «socia-lisme municipal» qui caractérise une certaine gestion socialiste de municipalités ur-baines à la fin du XIX° siècle, en Alle-magne comme en France, la force d’intervention sociale des œuvres charitables catholiques dans le tissu urbain pourrait même être assimilé en comparaison à une sorte de «catholicisme municipal».

En conclusion, Catherine Maurer interroge à juste titre la pertinence d’un modèle «allemand» ou «français», autrement dit «national». Les circulations entre modèles de chaque côté du Rhin sembleraient plus appropriées. Il faudrait par ailleurs s’attarder sur ce qui pourrait constituer un véritable «savoir charitable» qui circulerait en Europe via les revues et les congrès internationaux au sein desquels les réforma-teurs catholiques auraient été parmi les acteurs déterminants de ce volet majeur de la protection sociale européenne. Le livre de Catherine Maurer est à ce titre essentiel, participant à cette entreprise de rénovation historiographique qui consiste à ouvrir l’histoire religieuse à d’autres dimensions comme celle du social et de l’urbain.

Zitierweise:
Bruno Dumons: Rezension zu: Catherine Maurer, La ville charitable. Les œuvres sociales catholiques en France et en Allemagne au XIX° siècle (=Histoire religieuse de la France), Paris, Cerf, 2012. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Religions und Kulturgeschichte, Vol. 108, 2014, S. 510-511.

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